Le courage du boulanger français : l'éclair et le drapeau

Publié le par Admajdeiglo



Il y a deux jour, au coeur du Temple de la Vie Moderne qu'on appelle "centre commercial", je venais de déposer le contenu de mon appareil photographique pour impression (on ne dit plus développement) dans une quelconque boutique spécialisée. Ayant, grâce à une obole de 2€ supplémentaires, obtenu de pouvoir récupérer les précieuses images en l'espace d'une heure seulement, ("Rev'nez à 13h m'sieur") il me fallait attendre tout ce temps dans ce lieux incontournable de la société de consommation. L'heure du déjeuner étant proche, mon estomac se mettait à crier famine. Je promenais mon regard autour de moi, cherchant un quelconque estaminet me permettant d'utiliser ces précieuses minutes à une activité honorable. Rien en vue. Passons à l'étage (les centres commerciaux sont vraiment immenses !). Je me vois entouré d'une population bigarrée, de tous âges, de toutes origines, de toutes conditions. Ce monsieur sort de chez Cyrillus, l'air décidé, mais pas pressé, pantalon clair en velours côtelé, une veste en tweed, chandail col rond soulignant un foulard de soie, le précieux sac en papier kraft négligemment balancé au rythme de ses pas à l'odeur de Weston. De l'escalier où mon regard l'a perdu surgit un individu au pas nonchalant, barbe hirsute semblant sur ses joues comme un vieux paquet de tabac à pipe collé là par je ne sais quelle bourrasque. Son blouson en cuir noir accuse quelques années. Un jean informe dont les jambes couvrent une paire de chaussures de sport noires. Clichés me direz vous ? Non, car autour de ces deux personnages toutes les variations existent. Le brassage des populations, c'est ici qu'il est réel. Chapeaux, capuches, coiffures superbes, négligés soignés, tout est là.

Mon estomac me rappelle soudain que je ne suis pas là pour faire une étude sociologique. Voici une enseigne que l'annonce de spécialité bovine rend tout à fait attirante. Aïe, la carte elle m'arrête brusquement. C'est la crise mon brave monsieur ! Pas d'estaminet, pas de steak, allez, terminons cette funeste quête et faisons la queue devant ce vendeur de pâtes, qui ne doit avoir d'italien que le nom.

- Pour commander, suivant !
- Bonjour monsieur, un menu machin s'il vous plaît, pâtes à la carbonnara, un ice-tea. Comme dessert, un éclair s'il vous plait.
- Pour l'éclair il y a un supplément de 50 centimes

Ben voyons. Allez, après tout j'en ai envie de cet éclair, alors que tous les autres me semblent n'être que d'infâmes ersatz de ce qu'annonce l'étiquette.
Après quelques minutes d'attente, me voilà de nouveau au milieu de la cohue consommatrice, avec à la main un sac en papier blanc contenant le dit menu machin, et l'éclair désiré. Allez, je ne supporte pas l'air ambiant de ce genre d'antre, courrons dehors. Il pleut plus, ça tombe bien. Un air frais me fera le plus grand bien. Je mange mes pâtes, finalement assez dégueulasses. La cannette remplit son office : l'ice tea n'a aucun goût. Ca commence à suffire. Je sors l'éclair, et là, surprise ! Non, ce n'est pas possible, je dois rêver, le bleu doit être vert, j'ai sans doute la berlue, une telle chose ne doit plus exister.

Et pourtant, non, je ne rêve pas. Le sac en papier contenant le fameux éclair porte un drapeau français. Mais le fabricant se rend-il compte de ce qu'il ose faire là ? De plus, le visage me semble trop clair pour être honnête. Non, ce boulanger doit-être un ennemi de la Tolérance, un totalitariste, un réactionnaire. Vite, qui est-ce ? Dites-le-moi que j'aille le prévenir, il en va de sa vie presque. Il n'a pas osé laisser de marque même dans le plus profond repli.  Il doit être au courant sans doute. A peine un logo "Papier Naturel Recyclable Biodégradable". Mon Dieu, je n'en suis toujours pas revenu, je crois que je vais encadrer l'objet du délit.

PS : l'éclair était dégueulasse comme le reste

Bien à vous lecteur
Amdg

Publié dans Divers

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article